LE FEDERALISTE

revue de politique

Espérer le maintien de l’harmonie entre plusieurs Etats indépendants et voisins, ce serait perdre de vue le cours uniforme des événements humains et aller contre l’experience des siécles.

Hamilton, The Federalist

 

IX année, 1967, Numéro 1, Page 62

 

 

Frantz Joseph Strauss, Entwurf für Europa, Stuttgart, Seewald Verlag, 1966, 164 pp.
 
 
Frantz Joseph Strauss est sans aucun doute l’une des figures politiques d’Europe les plus discutées de notre temps et nous n’entendons certes pas formuler ici un jugement global sur sa personnalité. Mais la lecture de ce petit livre, écrit dans un style hâtif et provisoire, permet cependant de comprendre que beaucoup des accusations qui sont lancées contre lui, comme celle de nationalisme, sont dépourvues de fondement.
Strauss part de la constatation de l’écart croissant de puissance qui sépare l’Europe des Etats-Unis et de l’Union Soviétique. « Nous autres Européens, écrit-il (pp. 11-12), sommes pressés par le temps. Le temps travaille contre nous parce que les puissances de dimensions continentales, grâce à leur population, à leurs capacités économiques et à leurs réserves financières, occupent une position de plus en plus dominante. Chaque année s’accroît l’avantage que les puissances mondiales ont déjà aujourd’hui, dans le domaine scientifique et technologique, sur les Etats européens industrialisés. Et dans le même temps leur supériorité compétitive, leur influence politique et enfin leur suprématie militaire s’accroissent également selon une proportion géométrique. Les Européens n’ont plus de temps à perdre s’ils veulent encore prendre part au développement de la civilisation et contribuer à déterminer le destin de l’humanité ».
D’autre part, tandis que l’écart, entre l’Europe et les puissances continentales s’accentue, il se produit également peu à peu un changement dans la conjoncture qui a garanti à l’Europe au cours de cet après-guerre, et grâce à la protection américaine, la sécurité et la reprise économique. « L’Amérique, écrit-il (pp. 36-37), est tellement engagée dans les problèmes de sa propre stabilité et de sa propre sécurité extérieure, qu’elle n’est plus en mesure d’assumer de grosses responsabilités à l’égard des intérêts de ses amis. Les Américains voient parfaitement qu’ils sont sur le point d’être submergés par les mandats qu’ils se sont donnés et dont ils ont été chargés. Cela est particulièrement visible dans deux secteurs : dans celui de la garantie nucléaire que les peuples des autres rives de l’Océan attendent d’eux et dans celui de la stabilité du dollar… Sous la pression d’une dépense excessive de leurs énergies à l’échelle mondiale, les Etats-Unis se voient contraints de conclure avec l’autre puissance nucléaire hégémonique, l’Union Soviétique, un accord provisoire de trêve, et ce aux dépens de l’Europe principalement. Ce qu’aujourd’hui les deux puissances mondiales appellent ‘politique de détente’, signifie une garantie réciproque de statu quo en Europe ».
Pour Strauss, la seule façon de sortir de cette impasse c’est de fonder la Fédération Européenne, qu’en bon conservateur il voit plutôt comme un facteur d’équilibre dans la politique internationale que comme une source de valeurs telles que la paix, la liberté et la justice sociale. Le « gaullisme » de Strauss, à en juger d’après ce petit volume, se réduit, au moins sur le plan théorique, à l’idée qu’une étroite collaboration franco-allemande et les projets confédéraux de de Gaulle constitueraient un bon point de départ pour arriver à la fédération.
On prend la mesure de l’inexactitude du cliché généralement répandu dans la presse au sujet de Strauss, en lisant ses positions sur le problème de la réunification allemande. « Je veux le dire, écrit-il (pp. 50-51), clairement et sans pitié : je ne crois pas à la reconstitution d’un Etat national allemand, même dans le cadre des quatre zones d’occupation ». Même si la République Fédérale se déclarait disposée à accepter un statut de neutralité pour obtenir sa réunification, les pays d’Europe orientale se rendraient parfaitement compte que « avec une nation allemande unifiée au milieu d’une Europe centrale neutralisée, naîtrait un déséquilibre de pouvoir qui serait soustrait à tout contrôle et pourrait avoir des conséquences imprévisibles pour tous les intéressés » (p. 51). Et, plus loin (pp. 53-54) : « la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et les autres pays européens d’au-delà du rideau de fer, sont membres de la famille européenne au même titre que les Etats de l’Europe occidentale. Nous devons donc penser en termes d’Europe unifiée et libre, et non pas seulement d’Allemagne unifiée… Nous autres Allemands devons apprendre à voir le problème de notre unité non pas comme un problème national, mais comme un problème européen ».
 
Francesco Rossollillo
 

 

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