LE FEDERALISTE

revue de politique

 

XIII année, 1971, Numéro 2, Page 53

 

 

Perspectives de politique internationale
du mouvement syndical
 
G. BORGNA - A. IOZZO
L. LEVI - S. PISTONE
 
 
Les vicissitudes et les résultats de l’« automne chaud » et ses développements ultérieurs sont la manifestation d’un processus imposant de croissance du mouvement ouvrier et syndical italien, dont les aspects les plus caractéristiques sont représentés par le renforcement décisif de la capacité de lutte de la classe ouvrière, par l’unification tendancielle des trois centrales syndicales, avec la tendance qui en résulte à se dégager de la subordination mécanique aux partis, et par la capacité croissante de lier étroitement les problèmes de l’usine aux problèmes plus généraux d’ordre politico-social.
Dans ces moments d’indiscutable croissance se dresse par ailleurs une série de graves obstacles et difficultés qui semblent rendre précaires et réversibles les récentes conquêtes. Et c’est justement sur cet aspect du processus susdit que nous entendons principalement attirer l’attention par ce document.
A notre avis, les données à retenir dans ce contexte sont au nombre de quatre. En premier lieu, l’augmentation des prix et la fuite des capitaux à l’étranger, avec le danger connexe de rendre la balance des paiements déficitaire, risquent de déterminer une politique économique déflationniste qui compromettrait les récentes conquêtes des ouvriers. En second lieu, le mouvement syndical paraît trop faible pour conditionner profondément le développement économique, dominé par les entreprises gigantesques de dimensions européennes et mondiales et, par suite, pour influencer la politique d’aménagement du territoire, des transports, du logement, etc. En troisième lieu, l’unification syndicale, malgré la puissante poussée des travailleurs à la base, languit en face de la division persistante de la gauche et de sa subordination à la logiques des blocs et aux difficultés connexes de caractère international consistant dans l’affiliation de la C.G.I.L. à la F.S.M. et de la C.I.S.L. et de l’U.I.L. à la C.I.S.L. internationale. Enfin, la crise profonde de l’équilibre politique italien, qui dérive de l’épuisement de la formule de centre-gauche et de la difficulté extrême de faire émerger une solution de rechange plus avancée, ouvre la possibilité d’un tournant conservateur et vraiment autoritaire.
Ce sont donc ces faits contradictoires qui caractérisent les récents développements du mouvement ouvrier et syndical italien. Il est désormais évident qu’une position adéquate sur le plan théorique et pratique du problème fondamental né de l’automne chaud, c’est-à-dire du problème de l’unification syndicale, présuppose la compréhension du sens profond de ces faits et, par suite, l’identification, au delà des données contingentes, des causes réelles qui ont déterminé et déterminent l’évolution syndicale de ces dernières années, et qui sont à la base des difficultés et des obstacles indiqués plus haut. Ce n’est qu’à cette condition qu’on peut en fait comprendre les possibilités objectives existantes de résoudre les problèmes dont le mouvement syndical s’est fait porteur, et qu’on peut, par suite, identifier les alternatives réelles qui s’offrent à lui et choisir en conséquence la ligne stratégique gagnante.
On peut atteindre, à notre avis, la compréhension de la signification profonde des récents développements du mouvement syndical et ouvrier italien et des difficultés que rencontrent ces développements, en identifiant les facteurs objectifs fondamentaux du développement historique, à savoir les facteurs qui conditionnent décisivement les faits et les processus constatables dans le contexte de la lutte politique et sociale, et en expliquant spécifiquement le lien entre ces facteurs et les faits en question. Ces facteurs sont : l’évolution du mode de production, d’un côté, et l’évolution des rapports de pouvoir sur le plan international et de la position de l’Etat dans ce contexte, de l’autre. Il est donc nécessaire d’analyser les développements du mouvement syndical italien à la lumière de ces deux facteurs.
 
1. L’évolution du système productif.
En ce qui concerne l’évolution du mode de production, le facteur décisif qui est à la base tant du renforcement du syndicalisme et du mouvement ouvrier en Italie que des difficultés et des obstacles rencontrés par ces derniers, est représenté par l’intégration européenne. Ce processus, qui a commencé avec la libéralisation des échanges introduite après la guerre, puis a reçu une impulsion décisive à la suite de la mise en place de la Communauté économique européenne, est en général le facteur déterminant du développement économique extraordinaire qu’ont connu non seulement l’Italie, mais aussi l’Allemagne, la France et le Benelux depuis la guerre. En effet, en renversant radicalement la tendance antérieure au nationalisme économique, il a fait naître un marché unique de dimensions européennes, dans le cadre duquel il a été possible d’engendrer un fort développement industriel comparable à celui des puissances continentales et de commencer la récupération du retard historique de l’Europe par rapport à ces puissances. En ce qui concerne l’Italie en particulier, l’intégration européenne a finalement permis d’atteindre la maturité industrielle, c’est-à-dire de transformer un pays principalement agricole en un pays principalement industriel, ce qui serait encore un objectif très lointain, si la politique protectionniste d’avant-guerre avait été poursuivie.
C’est ainsi que s’est réalisée une transformation profonde des conditions de production existant dans notre pays, laquelle représente un indéniable progrès, malgré les déséquilibres et les contradictions qui l’ont accompagnée et que nous examinerons plus loin, et définit évidemment, pour ce qui tient en particulier au sujet de ce document, le contexte le plus général, dans lequel s’explique et prend un sens l’évolution syndicale de ces dernières années. A ce propos, on doit surtout considérer l’énorme accroissement numérique de la classe ouvrière industrielle et le dépassement de sa dispersion en un nombre excessif de petites et moyennes entreprises, phénomènes qui sont le résultat du développement industriel et du processus corrélatif de concentration des entreprises au cours des dernières années.
Cette nouvelle situation, jointe aux possibilités objectives, dérivant du développement industriel, d’amélioration décisive des conditions des masses ouvrières, a rendu possible la croissance ouvrière et syndicale de ces dernières années, inversant les conditions antérieures de faiblesse structurelle et de subordination au pouvoir patronal. Par ailleurs, l’expérience même des grandes victoires rendues possibles par ce renforcement a favorisé, à son tour, une collaboration croissante entre les trois principales centrales syndicales. En conséquence, ouvriers et syndicats ont acquis une conscience de plus en plus nette de leur force et de leurs capacités autonomes, et mis en discussion les rapports de subordination mécanique aux partis (reflétant précisément une situation de faiblesse fondamentale de la classe ouvrière), et amorcé un processus d’unification des organisations du mouvement syndical.
Une fois défini le contexte plus général dans lequel se situe la croissance ouvrière et syndicale de la dernière décennie, à savoir le développement industriel produit par l’intégration européenne, il faut aussitôt préciser que ce développement a été caractérisé par un ensemble impressionnant de déséquilibres et de contradictions. En particulier, malgré l’énorme augmentation de la productivité, non seulement le problème économico-social fondamental de notre pays, à savoir l’écart entre le nord et le sud, n’a pas été surmonté, mais au contraire il s’est même aggravé en termes relatifs. En outre, de très profondes contradictions sont apparues, comme la congestion des zones urbaines (avec les problèmes connexes du logement, des transports, etc.), l’émigration et le dépeuplement irrationnel de vastes régions agricoles, la disproportion entre les consommations privées et publiques. Enfin, le pouvoir social et politique déjà excessif des groupes économiques privés et des technocraties d’entreprises publiques a encore augmenté, parallèlement au processus de concentration de plus en plus poussé, tandis que, par ailleurs, l’inefficacité traditionnelle des organes de l’Etat et leur incapacité à guider le développement économique dans l’intérêt de la majorité de la population se sont exaspérées (voir, entre autres, la faillite de la programmation).
De ces contradictions, qui ont évidemment conditionné décisivement le contenu et les formes des développements politiques, sociaux et syndicaux de ces dernières années, il est maintenant nécessaire de tenter d’expliquer les raisons fondamentales, puisque c’est seulement sur la base d’une telle explication qu’il est possible de comprendre de plus près les caractéristiques des développements syndicaux que nous examinons et surtout les difficultés qu’ils rencontrent, ainsi que leurs aboutissements possibles.
La donnée fondamentale qu’il faut considérer à ce propos consiste dans le fait que le développement industriel italien s’est produit dans le cadre d’un processus d’intégration européenne qui, par la manière dont il s’est déroulé jusqu’à présent, a rendu objectivement impossible de progresser efficacement vers le dépassement des déséquilibres économico-sociaux fondamentaux anciens et nouveaux de notre pays. Pour préciser, l’intégration européenne a eu un caractère hautement contradictoire pour la simple raison, qui n’est malheureusement pas claire pour tout le monde, qu’elle n’a pas produit, n’étant pas accompagnée de l’intégration politique, les structures politiques adaptées aux problèmes d’un développement industriel moderne à l’échelle continentale.
En fait, l’ouverture des marchés a permis au développement industriel de prendre une dimension européenne et, par quelques aspects, mondiale, tandis que les instruments de politique économique tendant à contrôler ce développement ont conservé des dimensions nationales. Il en est résulté une inefficacité substantielle des instruments politiques de contrôle de l’économie, et surtout de la programmation, et, pour cette raison, un développement inévitablement anarchique de l’économie européenne et donc italienne. C’est pourquoi n’a pas été possible dans ces conditions une politique efficace tendant à éliminer les distorsions du développement capitaliste. En particulier, en se limitant à l’exemple macroscopique, l’activité incontrôlée et anarchique des entreprises sur le plan européen, ne pouvant être freinée par les instruments nationaux inefficaces, a comporté une nouvelle concentration du développement industriel dans l’Italie septentrionale (pour répondre aux exigences de la concurrence européenne) et a empêché des progrès substantiels dans l’industrialisation du Midi.
D’autre part, on doit considérer que la Communauté européenne n’est pas dotée de pouvoirs suffisants pour imposer une véritable programmation européenne. La politique économique à moyen terme élaborée par la C.E.E. se borne à formuler une prévision générale de la tendance de développement des diverses composantes de chaque économie nationale, sans fixer des objectifs précis dans chaque secteur, ni les moyens pour les réaliser. D’où les caractéristiques fortement technocratiques qui ont été celles du processus d’intégration européenne jusqu’à présent. En fait, un développement programmé de l’économie européenne exige une hiérarchie de centres coordonnés de décisions. Or, le sommet de cette hiérarchie est encore constitué par les gouvernements nationaux, dont les « compromis » au niveau du Conseil de ministres de la Communauté sont la base de l’intégration européenne. C’est pourquoi la lutte pour l’adoption d’un système efficace de programmation européenne coïncide avec la lutte pour la limitation des souverainetés nationales et pour la création d’un pouvoir démocratique européen.
C’est dans ce cadre qu’on peut comprendre les véritables racines des développements politiques et donc syndicaux de ces dernières années. Quant aux développements politiques, on peut saisir à la lumière de ces considérations les raisons profondes de la crise politique qui travaille l’Italie depuis 1968. A savoir : l’impossibilité objective de promouvoir dans le cadre italien une politique efficace de programmation économique a, d’une part, condamné à l’échec la tentative du centre gauche de faire une politique de réformes adaptée au développement industriel obtenu par l’Italie ces dernières années. D’autre part, le processus de recomposition et d’unification de toutes les forces de la gauche, qui représenterait la seule solution de progrès à la crise actuelle des formations politiques, n’a pas encore pu commencer sérieusement parce que les contradictions et les déséquilibres que nous avons vus se sont manifestés ou exaspérés à la suite de l’échec de cette politique de réformes.
Quant aux développements syndicaux, les véritables racines des difficultés et des obstacles que rencontre le processus actuel de renforcement ouvrier et syndical se précisent. Le caractère contradictoire (parce qu’incomplet, non étendu au plan politique) de l’intégration européenne explique pourquoi on ne parvient pas à faire en Italie depuis l’automne chaud une politique économique de soutien efficace des conquêtes salariales, mais pourquoi au contraire une politique déflationniste tend à prévaloir (comme dans la période de récession qui a suivi les conquêtes ouvrières de 1962-63, encore que ce soit peut-être dans une moindre mesure). En réalité, comme en 1964 déjà, la poussée fondamentale vers une politique plus ou moins modérément déflationniste vient des organes de la C.E.E., qui agissent presque exclusivement sur la base de la préoccupation d’éviter qu’une tension inflationniste excessive dans un pays de la Communauté n’exporte des déséquilibres et des difficultés dans les autres pays membres. Il s’agit évidemment d’une position conservatrice tendant à suggérer des politiques trop prudentes et donc contraires aux intérêts des grandes masses laborieuses ; théoriquement, cette position pourrait être cependant remplacée, à la suite d’une forte pression des forces progressistes, par une politique d’expansion plus courageuse et plus dynamique programmée sur la base d’objectifs décidés en commun par les pays de la Communauté. Ce n’est pas par hasard s’il ne se produit rien de tel, cela dépend fondamentalement de ce qu’il manque aux organes communautaires le pouvoir politique indispensable pour élaborer et imposer une politique économique européenne énergique. A cause de leur faiblesse, ils doivent se borner à imposer des conditions aux choix nationaux, sans pouvoir faire à leur tour des choix dynamiques et positifs, et par suite la coordination des politiques économiques qu’ils réalisent se réduit à une réduction de compromis au plus petit commun dénominateur et c’est pourquoi elle se traduit fatalement par une ligne de pure conservation des déséquilibres économico-sociaux existants. A ce conditionnement négatif venant de Bruxelles, on ne peut réellement se soustraire que de deux façons : ou bien en créant les prémisses d’une programmation européenne énergique, ou bien en mettant en crise l’intégration économique, mais en payant dans ce cas le prix énorme et fatal du retour au protectionnisme.
Quant à la fuite des capitaux, il est enfin évident qu’elle est favorisée décisivement par la liberté de mouvement introduite par l’intégration européenne qui n’est pas accompagnée de la réalisation d’une politique économique énergique au niveau européen.
Telles sont donc, à notre avis, les raisons de fond, par référence à l’évolution du mode de production, des difficultés que rencontre le développement des forces et de l’unité syndicales en Italie.
 
2. Le développement des rapports de pouvoir dans le monde.
Il faut maintenant tenir compte de ce que le développement des forces sociales ne constitue pas un facteur indépendant, mais qui est conditionné par les structures de pouvoir. Il faut donc analyser les répercussions de l’assiette mondiale du pouvoir sur l’équilibre interne des Etats de l’Europe occidentale et, en particulier, sur la politique syndicale.
Dans la période de la guerre froide, c’est-à-dire de l’hégémonie incontestée des deux grandes puissances dans la maîtrise du monde, la dynamique de l’antagonisme entre les blocs, absorbant toutes les ressources matérielles et idéales des individus, des forces politiques et sociales et des Etats, ne laissait pas de place à des positions autres que le communisme et la démocratie. Et, les Etats européens ayant perdu leur indépendance, même les syndicats (et les partis) qui agissaient à l’intérieur de ces Etats furent réduits au rang de sujets passifs d’un équilibre international dominé par les grandes puissances.
Ainsi, le choc entre les U.S.A. et l’U.R.S.S. détermina la division du mouvement ouvrier en une fraction américanophile et une fraction prosoviétique et une étroite dépendance des syndicats à l’égard des partis qui traduisaient ces deux tendances. La Confédération internationale des syndicats libres et la Fédération syndicale mondiale étaient les instruments d’organisation au moyen desquels les Etats-Unis et l’Union soviétique dirigeaient respectivement les deux fractions opposées du mouvement ouvrier. En conséquence, l’origine de cette opposition (et donc de la faiblesse des syndicats) a aussi une racine de nature politique.
Le développement des Etats de l’Europe occidentale et orientale, de la Chine et du tiers monde a contraint les deux puissances hégémoniques à mettre fin à la guerre froide et à atténuer leur compétition pour tenter d’arrêter la désagrégation des blocs. Avec l’assouplissement de la discipline internationale rigide qui avait caractérisé la guerre froide, les forces politiques et sociales commençaient à sortir des vieux moules où les avaient forcées les deux grandes puissances hégémoniques. Les Etats de l’Europe occidentale, renforcés par l’intégration économique, continuent d’être des sujets passifs de la politique internationale, mais acquièrent une plus grande liberté de manœuvre, que reflète une plus large autonomie des syndicats (et des partis) par rapport aux deux grandes puissances. En schématisant, on peut identifier dans la nouvelle situation quatre aspects qui se reflètent remarquablement sur la politique syndicale.
1) La convergence entre la politique extérieure soviétique et la politique extérieure américaine permet d’une part la convergence entre certains courants socialistes et démocrates-chrétiens et une partie du P.C.I. et du P.S.I.U.P. ; d’autre part, elle permet l’apparition et la consolidation de perspectives d’unification syndicale, facilitées par la convergence des différentes conceptions du rôle des syndicats. En Italie, par exemple, la C.G.I.L. est en train d’évoluer vers une conception du syndicat qui tend à s’émanciper de l’hégémonie du parti et à accepter une politique de réformes dans le cadre des institutions démocratiques parlementaires. D’autre part, la C.I.S.L. tend à refuser la collaboration de classe et le paternalisme imposés par l’hégémonie démocrate-chrétienne.
2) Le processus d’intégration européenne, déterminant un affaiblissement relatif du contrôle des deux grandes puissances sur l’Europe, représente la condition préalable des premières tentatives d’élaboration par les syndicats européens d’une ligne autonome par rapport à celle qu’imposent les syndicats des Etats-guides des deux blocs dans le cadre du mouvement syndical mondial. Par exemple, les syndicats adhérant à la C.I.S.L. internationale en lutte contre l’A.F.L.-C.I.O. sur le rôle anticommuniste de l’internationale syndicale occidentale et sur l’appréciation de la politique étrangère du gouvernement des Etats-Unis, ont provoqué l’abandon de la C.I.S.L. internationale de la part du puissant syndicat américain. D’autre part, la C.G.I.L. et la C.G.T., en condamnant l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie ont révélé les contrastes qui opposent désormais profondément les syndicats européens de la F.S.M.
3) La formation d’un espace économique européen unifié de facto fait naître dans les syndicats le besoin de s’organiser au niveau européen pour affronter les gigantesques entreprises de dimensions européennes et mondiales. Cette situation nouvelle provoque encore un rapprochement des syndicats et une plus grande autonomie par rapport aux partis nationaux et aux puissances-guides des deux blocs. La formation d’organisations syndicales au niveau européen (la section européenne de la C.I.S.L. internationale, à laquelle adhèrent la C.I.S.L. et l’U.I.L., et le comité permanent de liaison entre la C.G.T. et la C.G.I.L.) auprès des organes des Communautés européennes indiquent l’apparition d’un rôle autonome de l’intérêt des travailleurs européens au sein du mouvement syndical mondial. En particulier, la constitution du comité permanent C.G.T.-C.G.I.L., et son intention de contribuer au développement de la Communauté européenne représente un signe très important d’autonomie par rapport à la F.S.M., étant donné l’hostilité de l’U.R.S.S. au processus d’unification européenne.
4) Les gouvernements de l’Europe occidentale ont perdu le pouvoir de contrôler les choix dont dépend le destin de leurs communautés politiques respectives. Dans le domaine politique, ils sont subordonnés aux deux superpuissances, dans le domaine économique aux gigantesques entreprises supranationales. C’est à cet écart profond entre la dimension nationale de l’Etat et la dimension supranationale des problèmes politiques, économiques et sociaux que doit être imputé le vide de pouvoir préoccupant qui caractérise l’Europe aujourd’hui. Les syndicats aussi se sont insérés dans ce vide de pouvoir. Il en est résulté une plus grande autonomie des syndicats à l’égard des partis et un engagement direct croissant dans les luttes sur les problèmes que les partis ne savent pas résoudre.
 
3. Une nouvelle dimension des problèmes des travailleurs.
En élaborant leurs stratégies internationales, les syndicats doivent donc partir de cette considération de fait : l’Italie n’est plus un Etat au vrai sens du mot. Elle n’est plus le cadre dans lequel se prennent les décisions fondamentales relatives au développement économique (qui appartiennent au Conseil de ministres de la C.E.E. et aux protagonistes du marché libre européen) et les décisions relatives à la sécurité (qui dépendent du gouvernement des Etats-Unis, dont l’Italie est un satellite). Par suite, le niveau national, où existent les institutions démocratiques, n’est plus le terrain où se décide le destin des citoyens, alors qu’au niveau supranational, où se prennent les décisions les plus importantes, n’existent pas d’institutions démocratiques, mais des rapports diplomatiques ou de pure force. Les limites nationales des institutions démocratiques excluent donc le peuple des grands choix politiques et la régénération de la vie démocratique dépend désormais de la fondation d’un gouvernement et d’un parlement européens.
L’objectif du pouvoir politique européen doit être conçu non pas comme une fin en soi, mais comme un moyen ; comme un moyen indispensable pour permettre au mouvement syndical d’aborder et de résoudre les problèmes posés par la dimension internationale du développement économique et des relations politiques.
Sur le plan économico-social, c’est le moyen indispensable pour contrôler par une programmation démocratique européenne le développement économique au niveau où il est organisé ; c’est le cadre dans lequel il est possible de modifier à l’avantage du mouvement ouvrier les rapports de pouvoir existant dans la société, afin de mettre en discussion l’organisation sociale actuelle.
Sur le plan politique, c’est le moyen nécessaire pour mettre en discussion l’inégale distribution du pouvoir dans le monde, qui rend possible l’impérialisme en Grèce comme en Tchécoslovaquie, au Vietnam comme en Amérique latine et la subordination du mouvement ouvrier européen aux orientations imposées par les deux grandes puissances.
Il n’existe pas d’alternative. A la nouvelle réalité internationale, qui est l’autre face de la crise des Etats nationaux européens, les concentrations capitalistes se sont déjà adaptées. Il est urgent que le mouvement ouvrier en tire les conséquences nécessaires en termes d’organisation et de lutte.
En effet, dans le domaine économique, le processus de concentration internationale du capital tend constamment à déplacer les rapports de force entre le patronat et le mouvement ouvrier à l’avantage du premier, parce que le mouvement ouvrier ne peut disposer que d’un champ d’action et d’instruments de lutte de dimensions nationales. Dans le domaine politique, le mouvement ouvrier est subordonné aux centrales syndicales internationales contrôlées par les U.S.A. et par l’U.R.S.S.
Ce sont là les deux coordonnées qui fixent les limites que la politique du mouvement syndical ne peut pas franchir. Examinons la première limite. C’est la dimension nationale du pouvoir politique qui, tout en permettant au capital de programmer son propre développement sur les marchés internationaux, empêche les masses laborieuses de trouver au moins au niveau européen (où s’est déjà formée la base économique et sociale d’un nouvel Etat) le support politique institutionnel qui permette d’opposer un pouvoir européen de négociation à celui des patrons, déjà européen. En fait, il est beaucoup plus facile pour le grand capital que pour les masses laborieuses de surmonter les barrières nationales et d’agir indépendamment des pouvoirs politiques nationaux. Alors que le premier est en mesure d’atteindre beaucoup de ses objectifs sans recourir au gouvernement, les secondes, pour en venir à leurs fins, doivent se servir des syndicats, qui dépendent directement du pouvoir politique pour l’exécution de la plupart de leurs exigences. D’autre part, le processus de fusion internationale du capital entre entreprises européennes et américaines est arrivé à un point tel que l’arme de la grève elle-même, si elle est utilisée au niveau national, tend à devenir inadaptée et inefficace en face des possibilités qu’ont les entreprises multinationales de tenir en échec les revendications des travailleurs de l’établissement situé dans un Etat déterminé, en exploitant la possibilité de continuer à produire dans les établissements situés dans d’autres Etats. Cette situation nouvelle met à l’ordre du jour pour les masses laborieuses la nécessité d’instaurer des formes plus avancées de solidarité et de lutte unitaire au niveau international et en particulier au niveau européen, où l’intégration internationale du capital est plus profonde et où il est possible de faire naître un pouvoir politique de médiation des différentes instances sociales. En fait, un pouvoir démocratique européen récupérerait la capacité de programmer le développement économique, perdue par les Etats nationaux, d’éliminer les distorsions qu’a produites l’expansion capitaliste incontrôlée, d’appliquer concrètement une stratégie de réformes sur laquelle les principales composantes de la gauche pourraient trouver un terrain de rencontre.
Si nous prenons maintenant en considération la seconde limite de la politique du mouvement syndical, nous pouvons constater que c’est encore la structure nationale des Etats qui condamne les forces syndicales, agissant à l’intérieur de cette structure, à des positions subalternes par rapport aux puissances-guides des deux blocs. Tant que les Etats de l’Europe, en restant divisés, continueront d’être satellites dans un monde dominé par les deux grandes puissances, aucune force politique ou sociale ne sera capable de poursuivre des objectifs divergents ou, en tout cas, indépendants par rapport aux orientations imposées par les U.S.A. et l’U.R.S.S. La politique de réformes et de développement démocratique en Grèce et en Tchécoslovaquie, bien qu’appuyée par la grande majorité de la population et des forces politiques et sociales, a été battue, parce qu’elle s’opposait à la politique extérieure des puissances-guides des deux blocs. Ces exemples récents nous invitent à penser qu’il n’y a pas de liberté sans indépendance. Et pour les syndicats en Europe, la possibilité de se libérer complètement de la lourde tutelle américano-soviétique pour servir exclusivement les intérêts des travailleurs et non ceux des grandes puissances, qui tendent à les diviser, n’existera pas tant que n’aura pas été fondée au niveau européen sur la base d’un pouvoir politique européen une nouvelle organisation syndicale unitaire et autonome.
Dans le cadre d’un Etat de dimensions européennes, le syndicat acquerra finalement le pouvoir de résoudre en toute autonomie ces problèmes qui ont mis en crise la politique et les structures syndicales internationales, mais n’ont pas encore permis de les dépasser : une réponse adéquate en termes d’organisation et de lutte à l’internationalisation de l’économie, la mise en œuvre d’une politique différente à l’égard des blocs, de l’Europe orientale et du tiers monde.
 
4. Les limites de la politique syndicale actuelle en Europe.
Le mouvement syndical, pour faire face aux problèmes créés par le processus d’intégration des économies européennes et par la concentration du capital au niveau international s’est appuyé, jusqu’à présent, sur deux lignes directrices : la formation d’organisations européennes d’un côté et la formulation de propositions pour la conclusion de conventions européennes de l’autre.
L’institution de secrétariats syndicaux européens, dans le cadre des centrales internationales respectives de la C.I.S.L., de la F.S.M. et la C.M.T., a été insuffisante pour faire face à l’action des concentrations capitalistes supranationales.
Les principales limites qui n’ont pas permis aux secrétariats syndicaux européens actuels de créer un contrepoids des travailleurs à l’égard des grandes entreprises ont été :
— la division idéologique des travailleurs et de leurs organisations, dérivant de leur adhésion à trois internationales mondiales différentes ; division particulièrement évidente dans la période de la guerre froide et qui tend actuellement à s’atténuer non seulement dans le cadre national mais aussi dans le cadre européen avec le climat de la détente ;
— la désaffection de la base des travailleurs ; l’action des secrétariats ne se fonde ni sur un mandat européen, ni sur la participation démocratique des travailleurs à l’élaboration de la stratégie au niveau européen. On ne convoque pas de congrès mais seulement des « conférences » auxquelles ne participent pas des délégués des travailleurs mais seulement les sommets des organisations nationales ;
— l’absence de pouvoir dans le cadre des structures communautaires ; les secrétariats n’ont que la possibilité d’adresser des recommandations et des « appels » à la Commission ou aux gouvernements nationaux pour que soit reconnu aux travailleurs le droit de participer aux décisions concernant la politique économique et sociale de la Communauté.
Toutes ces limites peuvent être résumées par l’impossibilité pour le mouvement ouvrier de faire naître un véritable syndicat européen. Cette impossibilité n’est pas seulement imputable au manque d’initiative des syndicats dans ce sens mais elle est en rapport direct avec le cadre dans lequel les travailleurs agissent.
Les travailleurs doivent en effet développer leur action collectivement à l’égard des entrepreneurs et du pouvoir politique pour que leurs revendications soient satisfaites et pourtant ils ont besoin, pour défendre leurs conquêtes, de la présence d’un pouvoir politique, à la différence des patrons dont l’action est individuelle : quand deux entreprises, surtout si elles sont de deux Etats différents, fusionnent, ce fait ne concerne que les entrepreneurs intéressés et non l’ensemble des industriels et l’absence de pouvoir politique n’est pas un obstacle mais au contraire la possibilité d’une plus grande liberté de manœuvre.
Naturellement, les industries aussi ont besoin, dans une certaine mesure, d’interventions régulatrices du pouvoir politique, une économie régie par les seules forces du marché n’étant plus pensable désormais ; mais ce besoin n’est pas aussi fort que pour les travailleurs : l’action des organismes communautaires dotés de pouvoirs très limités ne permettant que des interventions marginales, assurément incapables de modifier les choix du profit, suffit aux entrepreneurs.
A la dénonciation par les syndicats de la toute-puissance économique des concentrations capitalistes, accentuée par les fusions continuelles entre entreprises d’Etats différents, et du caractère non-démocratique des institutions européennes ne peut pas faire suite, par conséquent, en l’absence d’un pouvoir politique européen, la création d’un syndicat de dimensions continentales.
L’harmonisation des plateformes revendicatives des syndicats des différents Etats ne peut pas, d’autre part, constituer la stratégie du mouvement ouvrier. Lutter pour l’harmonisation signifie, pour les syndicats, accepter le mythe de la formation spontanée de l’Europe, sans acte de rupture, sans saut qualitatif ; cette automystification a pour fonction de cacher, à qui se propose comme but l’unité européenne à partir d’une position de pouvoir nationale, les conséquences personnelles ou de groupe de la destruction d’un pouvoir national. Cette vision fausse dévie la stratégie et rend impossible pour le syndicat le passage d’un rôle subordonné à un rôle d’initiative pour la constitution d’un gouvernement européen et donc d’un syndicat européen.
Une stratégie syndicale qui vise à l’harmonisation équivaut en effet à proposer la conclusion de conventions européennes. Mais la fixation de revendications économiques unitaires paraît extrêmement difficile, si non impossible, étant donné les diverses phases de l’économie où peuvent se trouver les différents pays au moment de la négociation, pour taire l’existence de différences de développement et de différents systèmes fiscaux et de sécurité sociale, et la possibilité que des variations dans les parités monétaires et les niveaux d’inflation rendent vains les résultats obtenus. En conséquence, on tendra à n’inclure dans les conventions européennes que des revendications à caractère normatif et relatives à l’horaire de travail.
Une conséquence inévitable sera que les travailleurs devront se soumettre à une double négociation et courir le risque de voir s’évanouir d’un côté des résultats obtenus dans l’autre négociation.
L’harmonisation de la sécurité sociale, par exemple, qui a tant d’importance dans la lutte des travailleurs, affecte directement la politique économique des divers Etats et en particulier la politique fiscale. Si ce secteur est soumis à la gestion communautaire, la nécessité d’un contrôle démocratique sur l’usage de l’imposition fiscale s’impose dramatiquement, alors que s’il reste dans la sphère d’action des gouvernements nationaux, les éventuelles conventions européennes seraient seulement de pieuses recommandations.
D’autre part, les droits syndicaux, négociés à l’usine, doivent être garantis par d’éventuelles limitations législatives et, en particulier, au cas où serait instituée la société de droit européen, les forces syndicales seraient progressivement entamées si n’étaient pas rétablis, et amplifiés, les contrôles d’un pouvoir politique central et des forces sociales agissant en Europe.
La faiblesse de la ligne de la convention européenne, et donc de la stratégie de l’harmonisation, en tant que moyens pour contrôler plus efficacement les concentrations, est mise en pleine lumière à peine considère-t-on quels sont les moyens à la disposition des travailleurs pour mener à bonne fin la négociation. Si les travailleurs disposent uniquement d’organisations syndicales nationales, voire nominalement européennes, mais dans lesquelles il n’est pas possible de soulever un vrai débat qui atteigne la base, la détermination de la plate-forme revendicative commune se traduit par une série de renonciations à des conquêtes possibles, les sommets des syndicats qui l’élaborent ne pouvant pas vérifier dans la réalité la disponibilité de la classe ouvrière pour soutenir les revendications par ses luttes.
Par conséquent, proposer comme objectif des conventions européennes et la création d’un syndicat européen, en tant que fait purement bureaucratique, sans mettre en évidence une stratégie de lutte, et les instruments correspondants, équivaut à imposer à la classe ouvrière l’abdication de ses espérances, et même avant le combat.
 
5. Vers la grève européenne.
La voie concrète pour la formation d’une conscience internationale et, plus spécifiquement, européenne du mouvement ouvrier est celle de la pratique et de l’expérience, c’est-à-dire des actions unitaires menées au niveau européen. A la réalisation de cet objectif s’opposent pourtant deux obstacles : l’un de caractère objectif, l’autre de caractère subjectif. L’obstacle de nature objective consiste dans les limites nationales du pouvoir politique, qui se traduisent par autant de limites de la liberté d’action des syndicats, ces derniers étant, en l’absence d’un interlocuteur politique au niveau européen sur lequel influer, prisonniers des structures politiques nationales. Ainsi, les limites objectives des possibilités de lutte contre les gigantesques entreprises organisées au niveau européen et mondial se reflètent dans les limites de la conscience des masses laborieuses et de leurs organisations syndicales (et politiques) dont les efforts se concentrent presque exclusivement dans la tentative d’influer sur les programmations nationales, désormais inefficaces pour contrôler les entreprises multinationales.
En conséquence, en engageant des batailles séparées au niveau national, non seulement elles luttent dans des conditions d’infériorité contre leur adversaire mais contribuent à maintenir le système national en Europe.
Toutefois, dans la mesure où s’approfondissent les contradictions entre la structure nationale du pouvoir politique (et des politiques économiques et sociales) et les dimensions européennes du processus de développement économique, le mouvement ouvrier est contraint théoriquement et pratiquement de se placer sur le terrain européen, de tenter de surmonter les divisions nationales et d’établir des liens de solidarité à l’échelle européenne. A ce niveau, les travailleurs pourront acquérir un poids mondial, en sachant que leur lutte concerne le monde entier, et que les solutions trouvées auront des répercussions dans les contrées les plus lointaines. En conquérant un pouvoir européen de négociation, le mouvement syndical pourra opposer à l’Europe des affaires l’Europe des travailleurs et contribuer à faire participer tous les Européens à la construction d’une Europe démocratique et au contrôle de leur destin.
La voie magistrale pour atteindre cet objectif est la grève européenne. Il est évident qu’il s’agit d’un but impossible à atteindre tout de suite, mais il faut l’indiquer clairement pour pouvoir établir le point de départ et les étapes intermédiaires. Et il est opportun, pour débarrasser aussitôt le terrain des objections possibles, de répéter qu’il sera impossible de constituer une organisation syndicale européenne avec un sommet élu directement par les travailleurs (et donc en mesure de les mobiliser en même temps) ou d’obtenir la convention collective européenne tant que n’aura pas été parcourue avec succès la voie de la grève européenne. Ces deux objectifs, qui émergent confusément de la pratique du mouvement syndical ne sont pas, en effet, comme on l’a vu, une prémisse, mais une conséquence de la stratégie de la grève au niveau européen.
Le point de départ pour aboutir à la grève européenne semble pouvoir être une grève au niveau d’une entreprise multinationale, capable de mobiliser les travailleurs au delà des barrières nationales et d’exprimer une initiative efficace des travailleurs sur le plan de la lutte au niveau européen. La valeur de cet exemple pourrait être semblable à celle des luttes unitaires des métallurgistes pour le déchaînement d’un processus d’unification syndicale au niveau national : elle pourrait produire l’étincelle d’une réaction en chaîne, qui pourrait conduire à court terme à la grève européenne.
Mais tout cela est insuffisant. Il faut relier la stratégie de la grève européenne à la lutte contre la cause fondamentale de la division des syndicats au niveau européen (et de la toute-puissance des grandes concentrations capitalistes) : l’Etat national. Or, les syndicats, surtout dans cette phase de stagnation de l’intégration européenne et de crise des gouvernements nationaux, peuvent apporter une contribution essentielle et peut-être décisive à la lutte pour le dépassement des structures politiques nationales et à l’élection directe du Parlement européen. L’élection directe du Parlement européen constitue la condition nécessaire et suffisante pour déplacer la lutte politique des Etats à l’Europe. Or, une grève européenne pourrait représenter l’élément stratégique central au cours de la lutte pour obtenir les élections européennes. Possible dans une phase, comme celle qui s’ouvre, de forte instabilité politique, elle pourrait être le facteur décisif pour arracher aux classes politiques nationales, obstinément et aveuglément cramponnées à leurs pouvoirs, la reconnaissance du droit de vote des citoyens au niveau européen.
C’est parce qu’elle représente le commencement de la lutte pour la convention européenne et pour l’organisation unitaire du mouvement syndical à l’échelle européenne, que la première grève européenne ne devra pas se fonder sur des mots d’ordre de division (luttes catégorielles, revendications sectorielles), mais d’unité de tous les travailleurs et devra avoir un objectif principalement politique. La plate-forme revendicative de la grève européenne devrait se fonder sur ces principes :
1) élection directe du Parlement européen, qui permettra aux travailleurs de contribuer au développement de la démocratie et de la détente internationale et à la lutte contre la politique des blocs et l’impérialisme des grandes puissances ;
2) la programmation démocratique européenne, à laquelle devraient participer les syndicats pour contrôler les grandes entreprises multinationales et pour corriger les distorsions inhumaines du développement capitaliste ;
3) l’autonomie à l’égard des centrales syndicales mondiales contrôlées par les deux grandes puissances-guides des blocs, qui permettra de mener à bonne fin le processus de formation d’une organisation syndicale européenne ;
4) la conquête d’un pouvoir européen de négociation des travailleurs à opposer à celui, déjà européen, des patrons.
En conclusion, ces lignes stratégiques semblent présenter le terrain sur lequel l’unification syndicale en cours en Italie pourra s’accomplir ou faire naufrage. Lutter de façon unitaire pour l’Europe et sur le terrain européen contre le pouvoir européen des patrons signifie parcourir vraiment la voie de l’autonomie du syndicalisme à l’égard des hypothèques politiques qui tendent à le diviser : cela signifie vaincre la prétention des deux grandes puissances à orienter dans des directions divergentes le mouvement ouvrier, cela signifie dépasser les schématismes idéologiques hérités de la guerre froide, cela signifie en somme mettre en action une ligne de démarcation capable de séparer les forces du renouvellement et du progrès de celles de la servitude et de la conservation

 

 

 

 

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