LE FEDERALISTE

revue de politique

 

XII année, 1970, Numéro 3-4, Page 107

 

 

La raison d’Etat
 
SERGIO PISTONE
 
 
Avant d’aborder le sujet de la raison d’Etat, il faut préciser que nous ne nous proposons pas par cette analyse de faire une esquisse historique, même très synthétique, de la tradition de pensée que désigne cette expression, en identifiant la contribution particulière de chacun des auteurs qui sont considérés comme ses principaux représentants. Nous entendons plutôt énucléer, suivant un plan logique plus que chronologique, les thèses et les enseignements fondamentaux émergeant de cette tradition culturelle, en présupposant évidemment qu’elle est caractérisée par une ligne de pensée fondamentalement unitaire, c’est-à-dire procédant de quelques concepts basilaires communs et se développant par des contributions et des enrichissements successifs en rapport logique de dépendance à l’égard des fondements théoriques originels.
 
Encadrement historique et définition générale.
Un minimum d’encadrement historique est pourtant nécessaire. Dans ce but, il est suffisant de rappeler que la tradition de pensée identifiée par l’expression « raison d’Etat » embrasse le cours tout entier de l’histoire de l’Europe moderne et qu’en elle se manifestent trois moments particulièrement significatifs. Le premier moment se situe au seuil de l’âge moderne et il est représenté par les intuitions géniales et éclairantes de Machiavel, à travers lesquelles commence à apparaître, dans ses termes les plus généraux, le concept de raison d’Etat, même si sa formulation verbale précise n’existe pas encore. Avant cette époque, on peut relever dans l’histoire de la pensée politique de nombreuses anticipations partielles, quelquefois même très subtiles, de cette théorie, mais — cela ne fait aucun doute — ce n’est qu’avec Machiavel qu’on enregistre un saut qualitatif qui puisse constituer le début d’une nouvelle tradition de pensée. Le second moment particulièrement significatif de cette tradition est constitué par les réflexions et les analyses des théoriciens de la raison d’Etat et des intérêts des Etats, pour la plupart italiens et français, de la seconde moitié du XVIe siècle et du XVIIe. On leur doit, outre l’introduction définitive de l’expression « raison d’Etat » dans le sens qu’elle a encore de nos jours, des précisions supplémentaires et des approfondissements du concept de raison d’Etat et de ses implications, et en particulier une distinction plus rigoureuse entre l’intérêt individuel du prince et l’intérêt de l’Etat. Cette doctrine arrive enfin au moment de son plus grand épanouissement et aux plus hauts niveaux de conceptualisation dans la culture allemande de XIXe siècle et du début du XXe, sur la base des contributions d’un groupe nombreux de philosophes et surtout d’historiens, parmi lesquels se distinguent les noms de Hegel, Ranke, Treitschke et Meinecke, et dont la pensée politique est généralement indiquée par la locution « doctrine de l’Etat-puissance » (Machtstaatsgedanke).
Après cet encadrement historique schématique, il s’agit maintenant d’identifier les enseignements théoriques fondamentaux de cette tradition de pensée. En commençant par les concepts les plus généraux et les plus compréhensifs, on peut dire que le noyau conceptuel central de la théorie de la raison d’Etat consiste dans la thèse suivant laquelle l’Etat, quelle que soit sa forme, c’est-à-dire son régime et ses dimensions, a une tendance organique à rechercher l’accroissement continu et la consolidation de sa propre puissance aux dépens, en dernière analyse, de toute autre finalité. En poursuivant cet objectif, l’Etat, en d’autres termes, tend irrésistiblement, si cela apparaît utile dans ce but, à violer les normes de la morale et du droit, c’est-à-dire à utiliser les moyens de la plus impitoyable violence. D’autre part, cela ne signifie pas que la puissance soit le seul but de l’Etat, mais plus exactement qu’elle est l’instrument spécifique et irremplaçable, grâce auquel l’Etat est en mesure de poursuivre les finalités qu’il s’est fixées, suivant les conditions historiques et la nature du régime. La préparation et la consolidation de ce moyen, si important et si décisif pour l’action de l’Etat, constitue donc son exigence première, qui se manifeste sous ses aspects les plus tragiques surtout dans les moments où la puissance de l’Etat est mise en péril. Cette tendance, identifiée précisément par l’expression « raison d’Etat », définit donc le critère fondamental qui guide l’action des conducteurs de l’Etat ; critère qui change dans ses manifestations extérieures et dans ses contenus avec la modification des conditions historiques, mais qui, à chaque époque, inspire l’activité des hommes de gouvernement, et conditionne donc d’une manière décisive la vie politique.
 
Aspect interne et aspect externe de la raison d’Etat.
Faisons un autre pas en avant et venons-en à ce que sont, selon ses théoriciens, les racines de la raison d’Etat entendue précisément comme la norme régulatrice de la vie de l’Etat. Dans ce contexte, il est toutefois nécessaire de préciser auparavant que la raison d’Etat s’articule en deux aspects fondamentaux avec des caractéristiques différentes. Il y a un aspect, pour ainsi dire interne, qui s’identifie avec la tendance de la part des conducteurs de l’Etat à imposer la supériorité indiscutée de l’autorité de l’Etat sur la population et sur le territoire qui lui appartiennent, par rapport à toute autre autorité existante dans ce même cadre et, par conséquent, en termes concrets, à concentrer le monopole de la force physique dans les organes suprêmes de l’Etat. Il y a ensuite un aspect externe qui, comme on le verra mieux par la suite, est décidément plus remarquable et qui, historiquement, s’est présenté peu à peu comme la manifestation fondamentale de la raison d’Etat, laquelle consiste dans la tendance de l’Etat à augmenter sa propre puissance par rapport aux autres Etats et à tenter en revanche de diminuer celle des autres, en employant à ces fins, conformément aux différentes situations, les moyens de la guerre, des alliances et les diverses possibilités intermédiaires. Dans ses deux manifestations typiques, le comportement suivant la raison d’Etat ne dépend pas — et c’est le point à éclaircir maintenant — fondamentalement du choix libre et inconditionné des conducteurs de l’Etat, mais d’une nécessité objective qui s’impose irrésistiblement à eux.
La tendance à la concentration et à la consolidation de la puissance de l’Etat dans les rapports internes, c’est-à-dire la tendance à instaurer le monopole de la force, en employant dans ce but, si cela est nécessaire, les moyens de la plus impitoyable violence, dérive objectivement du fait que ce monopole constitue la condition indispensable pour que l’Etat puisse correspondre à sa raison d’être première, celle d’éliminer l’anarchie dans les rapports entre les hommes qui vivent dans son cadre. En fait, la thèse, dérivant en dernière analyse d’une conception pessimiste de la nature humaine, d’après laquelle en aucun cas il n’est possible de vivre pacifiquement dans une société d’hommes sans l’imposition coercitive, c’est-à-dire fondée sur la menace ou sur l’usage de la force, de règles communes de conduite, constitue une vérité indiscutable pour les théoriciens de la raison d’Etat et le fondement unificateur de toutes leurs considérations sur la nature de l’Etat. Sur cette nécessité se fonde en général l’existence de l’Etat, entendu, dans son noyau central, comme un appareil de coercition impliquant la division de la société en une petite minorité, qui détient le pouvoir et impose coercitivement les règles indispensables à la vie pacifique en société, et une immense majorité qui est subordonnée à ce pouvoir. Et, d’autre part, c’est précisément le monopole de la force (constituant l’attribut matériel fondamental de la souveraineté), qui assure à la minorité qui gouverne la possibilité d’empêcher que ce soit la pure loi de la force qui décide de la solution des différends entre les sujets.
C’est ici, par conséquent, que se trouve la racine objective du comportement suivant la raison d’Etat dans son aspect interne.
Cela dit, on doit, tout de suite après, préciser que cet aspect de la raison d’Etat a perdu progressivement de son importance relative, dans la mesure où, au cours de l’histoire moderne de l’Europe, le monopole de la force de la part de l’Etat s’est consolidé jusqu’à devenir une donnée stable et indiscutable, qui ne demande donc plus, en principe, les moyens violents de la raison d’Etat pour être assurée. En substance, la consolidation de la souveraineté de l’Etat n’a assurément pas permis l’élimination du phénomène de la violence dans la vie intérieure d’un Etat, mais tout au moins sa légalisation, laquelle vient à manquer seulement dans les moments de transformation révolutionnaire de la forme de l’Etat, et donc, en général, rend latente la violence elle-même. Conformément à ce processus, les théoriciens de la raison d’Etat ont concentré leur intérêt de plus en plus sur l’aspect qui se manifeste dans l’action de l’Etat vers l’extérieur. Cet aspect, identifié déjà dans ses termes généraux par Machiavel, puis par les théoriciens de la raison d’Etat, a été enfin étudié et théorisé aux plus hauts niveaux de conceptualisation par les théoriciens allemands de l’Etat-puissance, aux analyses desquels on se référera principalement, dorénavant.
La donnée centrale, autour de laquelle se développe et s’articule le discours tout entier sur la raison d’Etat, dans le sens qui nous intéresse maintenant, ou mieux sur la « politique de puissance » (Machtpolitik), pour employer l’expression introduite par les théoriciens allemands, est la pluralité des Etats. L’existence d’une pluralité d’Etats est la raison de fond de la tendance de l’Etat, dans les rapports avec les autres Etats, à chercher, continuellement et par tous les moyens, à augmenter sa propre puissance et à diminuer celle des autres, et c’est donc le fondement ultime de l’ensemble très embrouillé de phénomènes liés à cette tendance. Pour des raisons d’efficacité dans l’exposition, la description des implications de la pluralité des Etats sera divisée en trois parties.
 
L’anarchie internationale.
Le premier point à éclaircir est le rapport entre pluralité des Etats et anarchie internationale. En fait, l’existence d’une pluralité d’Etats détermine inévitablement, suivant les enseignements de la doctrine de la raison d’Etat, une situation d’anarchie dans les rapports entre Etats, une situation, pour être plus précis, dans laquelle les rapports entre les Etats sont réglés par la loi du plus fort et dans laquelle, par conséquent, un Etat ne peut jamais négliger aucune occasion d’accroître sa propre puissance et d’affaiblir celle des autres. Pour comprendre les raisons de ce rapport, il faut considérer ce qui a été observé à propos de la situation interne de l’Etat. On a vu que la condition indispensable pour éliminer l’anarchie, c’est-à-dire la guerre de tous contre tous, à l’intérieur de l’Etat est la monopolisation de la force physique par l’autorité de gouvernement, la souveraineté indiscutée de l’Etat. Mais justement cette condition est absente dans la société des Etats parce qu’elle est constituée par une pluralité d’Etats, et donc la force physique n’y est pas monopolisée par une autorité unique, mais au contraire est répartie entre une pluralité de centres complètement autonomes et souverains. Il manque par conséquent, dans la société des Etats, la condition indispensable pour pouvoir imposer coercitivement les normes nécessaires à la coexistence pacifique des Etats et donc au règlement pacifique, c’est-à-dire juridique, de leurs différends. L’anarchie qui existait dans les rapports entre les hommes avant que l’Etat ne réussît à imposer par sa souveraineté l’ordre public, se reproduit sous forme structurale dans les rapports entre les Etats. Dans cette situation, le critère ultime de la solution des conflits réside dans l’épreuve de force entre les parties, que le droit international (comme l’avaient déjà mis en lumière Hobbes, puis Kant) ne peut que sanctionner ; la guerre est toujours à l’ordre du jour et c’est pour cette raison qu’elle est présente même quand on ne la fait pas effectivement, parce que dans l’intervalle de deux guerres les Etats doivent tenir compte de la possibilité permanente de la guerre, y adapter leurs formes d’organisation et préparer l’esprit de leurs sujets à la guerre.
A la lumière de ces considérations, la politique de puissance, c’est-à-dire la tendance de chaque Etat dans les rapports avec les autres Etats à imposer, par la force actuelle ou potentielle, sa volonté et ses intérêts, apparaît donc déterminée par la situation objective de l’organisation des rapports entre Etats, c’est-à-dire par le caractère inévitablement anarchique qu’ont ces derniers. A propos de cette situation, dans le contexte de la doctrine de l’Etat-puissance, on emploie l’expression « autonomie de la politique étrangère », en voulant de la sorte souligner précisément la dépendance autonome et exclusive de celle-ci à l’égard de la structure des rapports internationaux.
Pour saisir plus clairement le sens et la portée de cette explication de la politique de puissance et donc des conflits internationaux, il est encore utile de s’arrêter sur les objections qui lui ont été opposées par les doctrines politiques qui nient le caractère autonome de la politique étrangère et soutiennent au contraire le théorème du « primat de la politique intérieure sur la politique extérieure ». Par cette expression, on entend signifier la conviction que les tendances de la politique extérieure dépendent exclusivement de la nature des structures politico-sociales internes des Etats, ou bien, en d’autres termes, que les problèmes des conflits internationaux et de la paix doivent être posés essentiellement en relation avec l’existence de structures internes déterminées impliquant une attitude pacifique sur le plan des rapports internationaux et, à l’opposé, de structures internes impliquant une attitude agressive et belliqueuse. Cette conviction est commune aux idéologies politiques qui dominent le monde moderne et sont nées de la philosophie des lumières, c’est-à-dire aux idéologies libérale, démocratique, socialiste, communiste. Ces idéologies divergent sur l’identification des structures internes qui favorisent une politique extérieure pacifique et de celles qui favorisent une politique extérieure belliqueuse mais elles sont toutes d’accord pour ramener à la situation interne des Etats la cause, centrale et omni-compréhensive, des tendances qu’on peut relever dans les rapports internationaux. En particulier, du point de vue des idéologies en question, on pense qu’un monde d’Etats libéraux, et respectivement démocratiques, socialistes, communistes, serait guidé par des idées libérales, et respectivement démocratiques, socialistes, communistes, et impliquerait par conséquent l’élimination des phénomènes de la politique de puissance qui dépendent de la réalisation encore incomplète ou non universelle à l’intérieur des Etats des principes indiqués par ces doctrines. Dans tous ces cas, on réduit en substance la politique extérieure à une fonction de la politique intérieure, et on nie par conséquent la logique autonome de la raison d’Etat c’est-à-dire de la politique de puissance.
Comme il est facile de voir, le contraste entre cette position et la doctrine de la raison d’Etat ne saurait être plus net. En effet l’affirmation que la politique de puissance est déterminée par la structure de la société des Etats implique précisément qu’on exclut que la nature du régime d’un Etat ait une influence déterminante sur sa politique extérieure ; en d’autres termes, cela signifie que, dérivant de l’existence d’une pluralité d’Etats, la politique de puissance est une norme d’action qu’aucun changement de régime n’est en mesure d’éliminer ou d’influencer profondément dans ses manifestations spécifiques. Au contraire, comme on le verra plus loin, la politique de puissance, suivant les théoriciens de l’Etat-puissance, influence décisivement la vie intérieure de l’Etat, et dans ce sens ils parlent de « primat de la politique extérieure ».
Avant de prendre en considération la seconde partie du discours sur les implications de la pluralité des Etats, il est encore nécessaire de préciser que le contraste théorique de fond existant entre les deux explications de la politique de puissance qu’on vient de décrire n’implique pas nécessairement qu’il y ait incompatibilité entre l’adhésion convaincue aux principes des idéologies libérale, démocratique, socialiste et communiste et la reconnaissance plus ou moins large de la validité des enseignements fondamentaux proposés par les théoriciens de la raison d’Etat. Dans l’histoire de la pensée politique et surtout de l’action politique concrète, les cas de convergence entre le réalisme politique le plus désenchanté et la lutte résolue et conséquente en faveur des principes affirmés par les idéologies en question, sont en réalité très fréquents et presque toujours d’une importance historique décisive.
 
Les systèmes d’Etats.
Le rapport identifié par les théoriciens de l’Etat-puissance entre pluralité des Etats, anarchie internationale et politique de puissance ayant été précisé, on doit ajouter maintenant que les observations correspondantes ne représentent qu’en première approximation une description valable de la problématique de la politique de puissance. La réalité des rapports entre les Etats est en effet beaucoup plus complexe que ne le suggère le concept d’anarchie internationale, comme cela a été délinéé jusqu’à présent. Il suffit de penser que, étant admis que chaque Etat fait une politique de puissance, on ne peut pas négliger toutefois les connotations très différentes de chaque politique de puissance. On doit encore moins oublier que l’anarchie internationale, tout en étant une donnée permanente de la société des Etats, s’articule en fait, dans la vie historique concrète, en une variété de situations nettement différenciées entre elles. L’effort de maîtriser théoriquement la complexité de la problématique de la politique de puissance telle qu’elle apparaît à un regard moins approximatif, et par conséquent d’identifier et d’éclaircir conceptuellement des tendances constantes là où, à part la certitude quant aux causes de l’anarchie internationale, semble dominer le hasard et l’imprévisible relativement aux articulations concrètes de cette situation, délimite un secteur fondamental des analyses faites par les théoriciens de l’Etat-puissance. Il s’agit justement de la seconde des trois parties en lesquelles s’articule le discours sur les implications de la pluralité des Etats.
Dans le contexte de cette analyse plus approfondie de la problématique de la politique de puissance, le schéma conceptuel basilaire employé par les théoriciens de l’Etat-puissance (mais ils n’étaient pas les premiers à formuler ce concept) est celui de « système des Etats », à l’approfondissement et à l’affinement duquel Ranke a apporté la contribution la plus importante. Pour comprendre le sens et la portée de ce concept, il faut commencer par expliquer que l’anarchie internationale, en tant que donnée permanente de la réalité des rapports entre les Etats, n’exclut pas que dans des conditions déterminées ces rapports soient caractérisés par un ordre relatif. Ordre, non pas au sens d’élimination de la loi de la force comme régulatrice des conflits entre Etats, ni encore moins au sens d’une réglementation formalisée des conflits, mais bien plutôt au sens d’affirmation, dans les rapports entre Etats, de tendances relativement stables capables de conditionner efficacement les manifestations spécifiques de la politique de puissance de chaque Etat, de les rendre par conséquent plus régulières et plus constantes. Cela se produit justement quand les rapports de puissance entre les Etats (ou mieux entre les Etats d’une aire géographique déterminée) et par conséquent le jeu changeant de leurs relations, de leurs alliances et de leurs antagonismes, sont encadrés dans des systèmes d’Etats, c’est-à-dire dans des systèmes caractérisés par une étroite interdépendance de chaque partie par rapport à l’ensemble, et, en conséquence, par l’existence de constantes générales de leur fonctionnement, qui orientent les critères particuliers de comportement (les raisons d’Etat) de chacun des Etats qui en font partie. Autrement dit, à l’intérieur de ces systèmes, la politique internationale de chaque Etat et l’évolution même de ses institutions internes — mais ce dernier aspect sera éclairci plus loin, puisqu’ il rentre dans la troisième partie du discours sur les implications de la pluralité des Etats —, loin d’être principalement déterminées par le processus politique interne, dépendent décisivement de l’équilibre dynamique des rapports matériels de puissance qui s’établissent entre les Etats faisant partie du système et de la position que chaque Etat occupe dans cet équilibre.
La condition de base pour que ces systèmes d’Etats se forment et durent est l’existence sur un espace géographique déterminé (qui à l’époque contemporaine coïncide en fait avec le monde entier) d’une pluralité d’Etats relativement stables, c’est-à-dire effectivement souverains à l’intérieur et indépendants à l’extérieur, et qui ne sont pas trop différents les uns des autres en ce qui concerne le type de civilisation et surtout les dimensions et la puissance. En présence d’une telle situation, peut se former un équilibre de puissance entre les Etats en question, dans la mesure où aucun Etat n’est capable d’imposer unilatéralement sa propre volonté aux autres Etats, et même où toute tentative de ce genre, c’est-à-dire toute tentative d’hégémonie, est automatiquement repoussée par la formation d’une coalition des autres Etats contre l’Etat qui, étant le plus fort, tend à faire une politique hégémonique. Cet équilibre, cela doit être bien clair, n’élimine pas l’anarchie internationale et ses manifestations violentes, mais il est en mesure d’assurer l’alternance, selon une certaine logique et une certaine régularité, de périodes de paix, ou, plus précisément, de trêve, plus ou moins longues et de moments de guerre, garantissant ainsi un minimum d’ordre international.
L’exemple classique de système d’Etats, interprétable à la lumière de la théorie correspondante de l’équilibre des puissances, fut représenté, suivant les théoriciens de l’Etat-puissance, en ce qui concerne l’Antiquité, par le système des cités-Etats de la Grèce antique à l’époque de sa plus grande splendeur. Une situation analogue se présenta ultérieurement en Italie au XVe siècle, lorsque se forma entre les principautés italiennes un système d’équilibre qui dura presque un siècle. Mais on reconnaît à nouveau un paradigme de système d’Etats dans l’équilibre européen des puissances, qui s’est formé à la suite de la rupture définitive de l’unité médiévale et après la fin de l’indépendance des principautés italiennes. La théorie de l’équilibre européen des puissances, élaborée par les théoriciens allemands de l’Etat-puissance et principalement par Ranke, constitue l’une des plus intéressantes tentatives pour comprendre en profondeur, et donc pour maîtriser théoriquement, cette expérience historique complexe, et elle représente, en même temps, une contribution fondamentale de cette école aux études sur la problématique de la politique de puissance. Une contribution — il est encore utile de le rappeler — que les disciples de Ranke ont utilisée, avec les approfondissements nécessaires, pour comprendre les vicissitudes successives du système européen des Etats, c’est-à-dire les luttes déchaînées par les tentatives d’hégémonie de l’Allemagne et la crise définitive du système européen qui en est résultée et qui a ouvert la voie à l’émergence du système mondial actuel des Etats.
 
Le primat de la politique extérieure.
Venons-en maintenant au troisième et dernier point significatif du discours relatif aux implications de la pluralité des Etats ; venons-en, autrement dit, à la thèse du primat de la politique extérieure sur la politique intérieure, dont nous avons déjà parlé. Il s’agit encore dans ce cas d’un enseignement fondamental formulé au plus haut niveau de conceptualisation par les théoriciens allemands de l’Etat-puissance, mais auquel n’ont pas manqué quelques anticipations très précises, parmi lesquelles on doit rappeler surtout celle d’Alexander Hamilton.
Très synthétiquement, le théorème du primat de la politique étrangère sur la politique intérieure signifie la conviction que la politique de puissance de tout Etat influence profondément les développements de sa politique intérieure (prise au sens large, c’est-à-dire comprenant l’évolution constitutionnelle, sociale, économique, la lutte entre les forces politiques, et ainsi de suite), puisque la tendance de chaque Etat à augmenter sa propre puissance et à diminuer celle des autres, dérivant de l’anarchie internationale, détermine l’affirmation, à l’intérieur, des structures les plus indiquées, en relation avec la position de l’Etat dans l’équilibre des puissances, aux fins de la lutte pour la puissance sur le plan international. En d’autres termes, chaque Etat, selon cette conception, fait une politique de puissance, dont les tendances spécifiques — plus ou moins agressives et belliqueuses, plus ou moins enclines à la négociation diplomatique, et ainsi de suite — dépendent de la position de pouvoir de l’Etat dans le système des Etats ; position qui est conditionnée par des facteurs géographiques, économiques, politiques etc. La politique de puissance, ainsi déterminée dans ses connotations particulières, a à son tour une influence déterminante sur le développement interne de chaque Etat, dans la mesure où il impose les structures les mieux adaptées à la tâche de consolider sa puissance.
Pour mieux comprendre le sens de cette conception du rapport entre politique extérieure et politique intérieure, il convient de rappeler brièvement de quelle manière et avec quels résultats les théoriciens de l’Etat-puissance ont cherché, sur la base du théorème du primat de la politique extérieure, d’éclaircir un problème central de l’histoire de l’Europe moderne. Le problème est celui de la différence profonde entre les expériences historiques des Etats de type insulaire (tels la Grande-Bretagne et les Etats-Unis d’Amérique), caractérisés constamment par une politique extérieure tendanciellement plus pacifique et par une évolution interne en direction de structures politico-sociales libérales, élastiques et décentralisées, et les Etats de type continental (tels la France, la Prusse-Allemagne, l’Italie etc.), caractérisés, au contraire, par une politique extérieure immanquablement plus agressive et plus belliqueuse et, corrélativement, par la tendance à la centralisation autoritaire à l’intérieur. De ces différentes expériences historiques, les théoriciens de l’Etat-puissance (mais en suivant dans ce cas une voie déjà ouverte par Alexander Hamilton) ont proposé une explication d’un très grand intérêt qui part justement de la reconnaissance du primat de la politique extérieure. En substance, selon cette explication, c’est la situation différente de pouvoir dans laquelle se trouvent, au sein du système européen des Etats, les Etats du continent par rapport aux Etats insulaires, qui a déterminé les tendances différentes de la politique extérieure et l’évolution connexe différente des structures internes. A cet égard, la donnée centrale à considérer est l’existence de frontières terrestres et la nécessité de les défendre contre le danger toujours présent d’une attaque par voie terrestre. Dans ces conditions, l’exigence de sécurité a imposé une orientation tendanciellement offensive qui cherche fréquemment à devancer l’adversaire en l’attaquant par surprise ; elle a donc déterminé la formation d’énormes appareils militaires utilisables avec la plus grande rapidité possible ; elle a enfin rendu nécessaires des structures politiques centralisées et autoritaires, capables de réaliser une mobilisation rapide et complète à des fins défensives et offensives de toutes les énergies disponibles. Toutes ces servitudes ont au contraire pesé d’un poids infiniment moins lourd sur les pays insulaires, étant donné leur position stratégique très favorable, due à l’absence de frontières terrestres à défendre. En effet, dans ces pays, la défense a pu, jusqu’à une époque récente, être assurée essentiellement par la flotte de guerre, en évitant la création, couteuse en termes économiques, mais surtout politico-sociaux, des énormes armées de terre des Etats du continent et des appareils bureaucratiques centralisés connexes.
 
Actualité de la doctrine de la raison d’Etat.
Après ces éclaircissements sur les différences entre Etats du continent et Etats insulaires, on peut considérer comme achevée l’exposition schématique des enseignements fondamentaux formulés par la tradition de pensée qui se réclame du concept de raison d’Etat. Il s’agit à présent de procéder à l’évaluation critique de ces enseignements.
Dans ce contexte, pour comprendre d’une façon générale comment les enseignements de la doctrine de la raison d’Etat (évidemment dans leur version la plus moderne et conceptuellement la plus raffinée, qui est due surtout aux théoriciens allemands de l’Etat-puissance) sont encore valables et pour comprendre qu’on ne peut y renoncer si l’on veut saisir convenablement la problématique de la politique de puissance, il est utile de reprendre le discours sur le contraste entre cette école et les doctrines soutenant le primat de la politique intérieure. Il faut en particulier rappeler comment cette divergence théorique, toujours vivante dans la culture européenne depuis le siècle des lumières, a atteint son acmé, en devenant une polémique politico-idéologique globale entre diverses cultures nationales, ou plus précisément, entre divers groupes de cultures nationales, dans la période relativement récente des guerres mondiales. En fait, d’une part, après l’unification nationale bismarckienne, la théorie de la raison d’Etat, dans la version identifiée avec la dénomination de « doctrine de l’Etat-puissance », fut en Allemagne pratiquement élevée au rang de doctrine politique officielle de la classe dirigeante de gouvernement ; et dans la période des guerres mondiales (évidemment en tenant compte des intégrations et aussi des déformations idéologiques nazies dans la période de la dictature hitlérienne) elle fournit l’appareil théorique basilaire, grâce auquel fut construite la justification idéologique de la politique de puissance allemande aboutissant aux deux guerres mondiales. D’autre part, les puissances adversaires de l’Allemagne dans cette période justifièrent officiellement leur propre politique extérieure et, plus spécifiquement, la lutte contre l’Allemagne, sur la base d’idéologies impliquant le refus de la raison d’Etat et l’affirmation du principe opposé du primat de la politique intérieure. De la part des puissances démocratiques, avec une accentuation particulièrement doctrinaire dans le cas des Etats-Unis d’Amérique, la politique de puissance allemande fut interprétée comme la conséquence nécessaire du régime autoritaire, militariste et conservateur de ce pays, et l’on soutint conséquemment que la victoire des puissances démocratiques aurait impliqué le dépassement de la politique de puissance. Pour sa part, la Russie soviétique lança au monde le message de l’internationalisme socialiste, suivant lequel la politique de puissance et donc le nationalisme et l’impérialisme modernes seraient des manifestations organiques des Etats capitalistes bourgeois. De ce point de vue, la politique de puissance allemande apparaissait, par conséquent, seulement comme une manifestation particulièrement accentuée d’une tendance générale des Etats bourgeois, tandis que seul le triomphe du socialisme aurait pu éliminer radicalement tout moment de violence et d’oppression dans les rapports internationaux.
Ce sont là les superstructures idéologiques de la lutte déchaînée par les deux tentatives successives d’hégémonie allemande ; il ne faut assurément pas s’étonner dès lors que la défaite définitive de l’Allemagne ait comporté une crise profonde de la tradition de pensée axée sur l’idée de la raison d’Etat. En effet, après 1945, parallèlement à l’affirmation, sur les ruines de l’équilibre européen des puissances, du rôle hégémonique mondial des U.S.A. et de l’U.R.S.S., le monde apparaissait dominé d’une manière tendanciellement exclusive par le contraste entre doctrine démocratique et doctrine communiste, et à la dynamique de ce conflit semblaient être subordonnés tous les choix fondamentaux de politique extérieure et intérieure des Etats appartenant aux deux blocs opposés. Dans cette situation, il ne semblait plus y avoir de place pour l’autonomie de la politique extérieure, et effectivement sur le plan culturel la tradition de pensée qui avait soutenu cette thèse n’avait plus aucun poids.
Si l’on se rappelle cette véritable éclipse de l’idée de la raison d’Etat qui caractérise la période de la guerre froide, il semble à première vue stupéfiant que dans l’horizon théorique se soit indubitablement manifestée de nouveau dans les années soixante la problématique de la raison d’Etat et de la politique de puissance, comme l’illustre clairement une série croissante d’études et de recherches, dans le domaine historique et dans celui de la politique contemporaine, influencées par cette position du problème. Mais, à bien y regarder, l’émergence de cette tendance semble loin d’être accidentelle, du moment qu’elle peut être mise en relation avec les profonds changements qui se sont produits entretemps dans le contexte politique international. La donnée centrale ou l’ensemble de données qu’il faut garder à l’esprit à ce propos est l’évolution de la politique extérieure des deux superpuissances et donc des rapports à l’intérieur des blocs respectifs qui se sont délinéés, ou en réalité dévoilés de plus en plus nettement, au-delà des couvertures idéologiques, par suite de la cessation de la guerre froide. D’une part, la politique américaine a révélé dans des cas de plus en plus fréquents, la tendance à placer l’exigence de sa propre sécurité et de sa propre puissance au-dessus de l’idéal démocratique avant tout sur le plan des rapports internationaux, mais également sur le plan interne. Les exemples de cette tendance sont constitués par des cas d’alliances ou d’assistances fournies à des régimes d’extrême droite, ou même à des régimes communistes comme le régime yougoslave, et par l’évolution interne des U.S.A. vers la centralisation bureaucratique et le renforcement du pouvoir militaire, favorisés précisément par les engagements mondiaux de ce pays. D’autre part, la thèse d’origine marxiste orthodoxe, suivant laquelle la politique de puissance est essentiellement le produit des contradictions insurmontables du système capitaliste a été décidément affaiblie par suite de la crise profonde de l’internationalisme socialiste. Les contrastes entre l’U.R.S.S. et les pays satellites de l’Europe orientale, et surtout le conflit sino-soviétique ont sans aucun doute fait naître l’exigence d’un réexamen critique de la doctrine de l’internationalisme socialiste ; ils ont mis en lumière de toute évidence que la raison d’Etat, à savoir la tendance des grandes puissances à orienter leurs rapports avec les autres puissances d’après le critère de l’intérêt de puissance, au lieu de le faire sur la base de pures considérations de solidarité ou de contraste sur le plan idéologique, est en train de réapparaître nettement après avoir été tenue dans l’ombre par l’exceptionnelle conjoncture historique qui a suivi la conclusion de la seconde guerre mondiale.
Dans ce contexte, il semble indiscutable que la théorie de la raison d’Etat, dont on avait déclaré trop prématurément qu’elle était dépassée, contient quelque vérité, autrement dit que l’autonomie au moins partielle de la politique extérieure représente une donnée de fait incontestable. Les faits rappelés plus haut, qui ne peuvent évidemment pas être examinés ici d’une manière approfondie, mais seulement cités comme des exemples extrêmement significatifs, semblent en particulier indiquer que des changements même profonds et radicaux de régime n’éliminent pas, ni ne modifient durablement, les tendances basilaires de la politique de puissance de l’Etat en question ; et nous attirons en outre l’attention sur l’influence que la politique étrangère exerce sur les développements internes en direction de la centralisation et de l’autoritarisme — phénomène que l’on peut relever, de la façon la plus nette, et même avec des caractéristiques individuelles très marquées, dans les deux plus grandes puissances mondiales. Ces données suggèrent donc la nécessité d’une récupération et d’un approfondissement des enseignements fondamentaux des théoriciens de la raison d’Etat. Une telle tâche ne peut d’ailleurs pas être disjointe d’un sérieux effort de révision critique.
 
Considérations critiques.
A notre avis, cette révision doit être concentrée fondamentalement sur deux points. Autrement dit, doivent être refusées, d’une part, la tendance à concevoir la raison d’Etat comme le facteur central et omni-compréhensif du développement historique, auquel sont, par conséquent, subordonnés en dernière analyse tous les autres aspects en lesquels s’articule le développement historique, et d’autre part la tendance à considérer la raison d’Etat comme un facteur pratiquement éternel du développement historique, à n’en pas saisir, en d’autres termes, la relativité historique. Dans les deux cas se manifeste sous des formes différentes un phénomène de dilatation excessive de la sphère où domine le pouvoir coercitif de la raison d’Etat.
C’est à propos du premier aspect que se pose le problème de découvrir les limites de la logique autonome de la raison d’Etat, en partant évidemment de la constatation qu’elle n’est pas le seul, mais bien l’un des facteurs déterminants du développement historique. En d’autres termes, il s’agit d’expliquer quels sont ces autres facteurs et de quelle façon leur propre logique s’enchaîne avec celle de la raison d’Etat et comment cette dernière est circonscrite par la première. Dans ce contexte, apparaît indispensable surtout une confrontation entre la doctrine de la raison d’Etat et le matérialisme historique, dont le point de vue au sujet de la phénoménologie de l’Etat se résume, comme on sait, dans la thèse du caractère superstructural de l’Etat par rapport à l’évolution des rapports de production. Cette conception peut être entendue rigidement et dogmatiquement, et alors elle apparaît par rapport à la raison d’Etat comme l’autre terme d’une alternative absolue ; autrement dit, elle implique la négation de toute logique autonome de la raison d’Etat et figure de la sorte une des versions possibles de la thèse du primat de la politique intérieure. Mais il peut y avoir aussi une autre position plus critique, qui reconnaît d’une part l’importance historique décisive de l’évolution des rapports de production, et sur cette base conteste à la racine la prétention d’expliquer toute l’histoire par la raison d’Etat, mais d’autre part sait pourtant reconnaître l’importance historique incontestable de la raison d’Etat, en encadrant ce phénomène par le concept d’autonomie relative de la superstructure. Ici, on doit observer qu’en fait un problème énorme reste malgré tout à éclaircir pour les défenseurs du matérialisme historique, celui de la détermination, en termes historiquement convaincants et heuristiquement efficaces, du sens de l’autonomie relative de la superstructure, dont il est fait mention plusieurs fois dans les écrits de Marx et d’Engels. Or, ce sujet pourrait précisément constituer un terrain de rencontre très fécond entre la tradition de la raison d’Etat et le matérialisme historique.
Quant à la tendance à concevoir la raison d’Etat comme un facteur permanent du développement historique, elle dérive, théoriquement, de l’incapacité de concevoir le dépassement des conditions historiques qui imposent objectivement la raison d’Etat comme la norme suprême du comportement des conducteurs des Etats. Elle se fonde en d’autres termes sur la conception de l’anarchie internationale comme une condition historiquement insurmontable.
Mais cette opinion, à notre avis, n’est pas fondée. En effet, elle a été contestée de façon extrêmement convaincante du point de vue théorique par Kant. Un mérite impérissable de Kant comme penseur politique est précisément d’avoir d’une part vu, comme les théoriciens de la raison d’Etat, dans l’anarchie internationale le fondement objectif de la raison d’Etat, mais aussi d’avoir su, d’autre part, relever avec une grande lucidité la relativité historique de ce phénomène, en mettant en lumière la possibilité du dépassement de l’anarchie internationale. En substance, il a expliqué que, de même qu’a pu être dépassée l’anarchie existant dans les rapports entre les hommes par la création d’un pouvoir public capable d’imposer le respect du droit, de même les rapports anarchiques entre les Etats pourront être éliminés par la constitution d’une autorité suprême dans la société des Etats, c’est-à-dire d’une « fédération universelle ». De la sorte, la loi de la force qui régit les différends internationaux sera supplantée par l’empire universel du droit ; en conséquence, le comportement suivant la raison d’Etat aura perdu son fondement objectif. Ce raisonnement, exposé ici très schématiquement, contient les termes logiques cruciaux de la question du dépassement de la raison d’Etat, et constitue donc un point de départ indispensable pour orienter convenablement la critique de la tendance des théoriciens de la raison d’Etat à ne pas reconnaître la relativité historique de ce phénomène. Ce n’est pas par hasard si ces thèses de Kant sont la base théorique fondamentale du mouvement fédéraliste, qui a pour objectif ultime la réalisation de la paix par le dépassement de l’anarchie internationale.

 

 

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